Il était une Femme… Martine OULABOU MBADINGA martyre de l’éducation gabonaise.

23 mars 1992, l’enseignante et syndicaliste Martine Olabou Mbadinga tombe sous les balles de la police alors qu’elle revendique, aux côtés de quelques frères syndicalistes, un mieux être de l’éducation au Gabon. Son combat, faire de l’éducation nationale un pilier de l’essor du Gabon.

Les conditions de son décès, son « sacrifice », n’ont pas laissé insensible la rédaction de Y’azo-Mag. Ce numéro de Il était un Homme lui est dédié non seulement parce qu’elle occupe la première place de notre classement du Top 10 de celles qui font le Gabon au féminin, mais aussi parce qu’elle incarne la lutte syndicaliste au Gabon.

29496872_181163219344821_4864414018641604918_n-791d4
Martine Oulabou Mbadinga, La martyre de l’éducation

La fin des années 1980 et le début des années 1990 marque l’avènement d’une nouvelle forme de politique dans la majorité des pays d’Afrique subsaharienne. Le Gabon n’échappe pas à ce vent de contestations qui amène avec lui le besoin d’une véritable démocratie, dans un pays où le parti unique est instauré depuis longtemps. Plusieurs mouvements pro-démocratiques naissent et dans tout le pays, des foyers de tension s’attisent pour exiger de profondes réformes institutionnelles et de meilleures conditions de vie, entre autres. Ces mouvements sont menés par la plupart des syndicats publics. Parmi eux, le Syndicat de l’Education Nationale (SENA) qui réclame de meilleures conditions d’apprentissage pour les élèves et étudiants mais aussi de meilleures conditions de travail pour les enseignants en l’occurrence. Cette situation provoqua de violentes grèves principalement à Libreville dès décembre 1990. D’abord suspendues en janvier 1991, les grèves du SENA reprirent en Mai de la même année suite au non respect par le gouvernement des promesses faites aux enseignants.

Février 1992, le SENA lance une grève illimitée sur toute l’étendue du territoire national.

Les manifestations atteignent leur paroxysme le 23 mars 1992. Une marche du syndicat est violemment réprimée par l’USI (Unité Spéciale d’Intervention, police anti-émeutes créée en 1991 pour justement faire face à ce type de manifestations, NDLR). L’événement devient une émeute si importante que les policiers ne tardent pas à tirer à balles réelles sur les manifestants, en majorité des enseignants.

«Au Gabon, pour se faire entendre, il faut être gênant» Martine Oulabou

Un lundi de mars ’92 meurtrier…

A l’époque des faits, Martine Oulabou Mbadinga avait 33 ans. Elle était enseignante à l’école publique de la Sorbonne de Libreville où elle tenait une classe de CE1. Le jour de son assassinat, le lundi 23 mars 1992 au petit matin, Martine se rendait au centre-ville pour participer à une manifestation pacifique organisée par le puissant syndicat dont elle en était l’un des leaders.

Le drame est survenu à l’ancienne Pharmacie gabonaise au centre-ville, près de Mbolo. Martine Oulabou et ses camarades sont pris en tenaille par deux cordons de sécurité de l’USI. Sur les ordres de leurs supérieurs, les policiers ouvrent le feu. Plusieurs enseignants furent touchés par le raid sanglant de la police gabonaise. La foule des manifestants dispersée, on pouvait voir désormais des corps gisant au sol. Les blessés se comptant par dizaines, le courage et la solidarité d’autres enseignants bravant la furie des armes à feu, tentèrent de s’occuper de leurs collègues touchés. Officiellement, deux enseignants seront grièvement blessés : Claudine Agazano (blessée à la cuisse droite) et André Essonghé (il se serait foulé la jambe droite dans la confusion des détonations).

Les deux enseignants blessés par balle seront rapidement conduits à la clinique privée Chambrier pour les premiers soins. Mais la jeune Martine Oulabou est si gravement atteinte , qu’elle sera transportée de toute urgence en ambulance à la Fondation Jeanne Ebory. Sur son lit d’hôpital, Martine Oulabou jettera un dernier regard vers les médecins qui tentaient en vain de lui sauver la vie et ses collègues venus lui rendre visite.

L’enseignante et militante n’y survivra pas. Ce lundi tragique un peu après 10 heures, c’est la fin. La courageuse maîtresse d’école s’éteint, brusquement arrachée à l’affection des siens. Martine Oulabou n’avait que 33 ans et elle croyait dur comme fer au combat syndical. Elle s’était engagée pour une meilleure Ecole gabonaise et elle y perdit la vie, avec pour seule arme un bâton de craie affublé d’un désir ardent de voir son combat porter ses fruits. Elle laisse sa famille meurtrie et dans l’incompréhension.

Morte pour une cause noble et commune

Martine Oulabou représente le symbole de la lutte syndicale au Gabon. Elle s’est battue pour l’amélioration des conditions d’apprentissage et d’études de la jeunesse gabonaise. Sa mort a été le point de départ de plusieurs réformes et mesures prises par l’État. Les années qui ont suivi ont été marquées par la construction de nombreuses écoles, collèges et lycées dans le pays et la réfection de nombreux autres déjà existants. Plusieurs changements ont également été opérés dans le système académique pour le rendre un peu plus performant. La plupart des bâtiments scolaires que nous avons aujourd’hui au Gabon, datent de cette époque.

Une-vue-de-l-enceinte-de-l-ecole-publique-Martine-Oulabou.jpg
Une vue de l’enceinte de l’école Martine Oulabou

Pour commémorer ce passé douloureux, le Président de la République de l’époque, Omar Bongo avait décrété en 2007 une journée nationale de l’enseignant. C’est ainsi que le 23 mars symbolise depuis cette année-là, la date des « larmes du corps éduquant« . A quelques encablures du lieu où le sang de Martine Oulabou a coulé, se tient désormais une école qui porte son nom. La martyre de l’Education gabonaise repose depuis à Ekouk, à une vingtaine de kilomètres de la capitale, dans l’intimité des ancêtres.

12472309_930353557079841_2661392667901037327_n-2-5dd17.jpg
Lieu où repose la tombe de Martine Oulabou

C’est son combat pour l’avenir de la jeunesse gabonaise qui a aboutit au don de soi, que Martine Oulabou Mbadinga se classe parmi les femmes les plus influentes du Gabon. Son impact, plus de 20 ans après est encore perceptible à travers les nombreux syndicalistes qui n’ont jamais cessé de revendiquer. Une première place dans les cœurs de ses camarades de lutte, une première place dans notre classement des 10 qui font le Gabon…au Féminin.

#YazomentVôtre

Y’azo-Mag

Laisser un commentaire